Ces machines qui nous surprennent

Abstract

Les discours enthousiasmés relatifs à la créativité computationnelle sont nourris par la mise à disposition du grand public d’IAs dont les productions sont des contenus à dimension culturelle, susceptibles d’une appréhension esthétique. Ce sont Midjourney, Dall·E, Stable Diffusion ou encore Chat-GPT. Cet article propose de mettre ces discours à l’épreuve. Ces discours attribuent la créativité aux IAs ; or il semble qu’une telle attribution repose sur l’interpolation d’une interprétation mécaniste (souvent computationnaliste) des humains et d’une interprétation organiciste des machines. Pour ce faire, il s’agira de mobiliser dans un premier temps les notions simondoniennes de situation problématique et d’invention. Ceci permet de distinguer deux types de virtuel, tel qu’il devient possible de distinguer entre d’une part l’invention humaine et d’autre part la créativité induite des machines, selon le terme proposé par Abraham A. Moles dans Art et Ordinateur. Ces distinctions effectuées, l’attribution de la créativité aux IAs déployées nous semblera surtout relever d’un discours commercial de légitimation d’objets techniques digitaux. Cette légitimation se fait à un double prix. Le premier, c’est l’oubli de la dimension normative de l’invention humaine. Évacuée par la porte, nous défendrons qu’elle revient par la fenêtre lorsque se pose la question de la possibilité de l’automatisation de l’évaluation des productions des objets esthétiques en général, c’est-à-dire productions d’IA générative comprises. Le deuxième, c’est l’oubli du travail humain requis pour la production et le fonctionnement de ces objets techniques. Un tel oubli empêche non seulement de se poser la question épistémologique des effets de cette participation sur notre conception des objets techniques (digitaux), mais aussi de se responsabiliser vis-à-vis du coût humain de nos enthousiasmes spéculatifs.